Architecture

Nichée dans les hauteurs de la chaîne montagneuse Higashi, à vingt minutes du centre de Kyoto, l’ancienne capitale impériale du Japon, la Villa Kujoyama réserve une histoire architecturale unique. La particularité de la Villa Kujoyama se trouve dans son architecture pensée pour son usage de résidence et de lieu d’échanges franco-japonais.
Naissance du projet architectural
Le projet de construction de la Villa Kujoyama fut confié aux architectes japonais Katô Kunio (1935-2019), alors professeur à l’Université de Kyoto, et Uzushi Nakamura. Tous deux avaient en commun d’être de grands francophiles, et imprégnés de la modernité architecturale corbuséenne.
En 1959, Kunio Katô s’était même rendu à Paris où il avait suivi des études à l’Ecole des Beaux-Arts ; il a ensuite travaillé quelques années en agence chez un ancien collaborateur de Le Corbusier (1887 – 1965). A l’époque, l’héritage de ce dernier inspirait largement les nouvelles esthétiques architecturales au Japon : la Villa Kujoyama ne fit pas exception, ce dont témoigne en particulier la matérialité du béton brut qui la constitue.
Par un heureux hasard, avant même d’être sollicité par le ministère français des Affaires Étrangères, Kunio Katô avait fait travailler ses élèves de l’Université de Kyoto sur un projet de “Centre culturel franco-japonais » à installer en lieu et place de l’ancien Institut détruit en 1981. Ceci explique en partie la rapidité d’exécution – moins de trois mois – du premier projet pour la “Résidence franco-japonaise de Kujoyama”.
Dès les premières esquisses, les plans sont marqués par la double organisation caractéristique de la Villa – l’une pour la résidence et la recherche, l’autre consacrée à favoriser les échanges. Mais c’est dans le projet de 1986 qu’apparaît l’idée d’un autre élément au cœur de l’architecture actuelle : la tour ascenseur d’une vingtaine de mètres qui permet d’accéder aux hauteurs du mont Higashi.
A noter : Dans le cadre de la rénovation du site, entre 2012 et 2014, c’est l’architecte français Adrien Petit qui a été sélectionné pour œuvrer fidèlement à la préservation de l’esprit du lieu imaginé par Kunio Katô et Uzushi Nakamura.
L'esprit du lieu
“Nous sommes ici au cœur de la chaîne de Higashiyama, élément caractéristique du paysage de Kyoto. Le site, qui commande l’entrée d’Awataguchi, débouché de la route du Tokaido sur l’ancienne capitale en provenance de la région du Lac Biwa, est investi d’une importance historique et géographique particulière. La voie de chemin de fer en plan incliné avait été intégrée dans l’architecture de l’ancien Institut à travers la structure axiale que celui-ci présentait par rapport à la ville. Tout en conservant ce rapport, nous avons cherché à adapter l’approche et la disposition des différentes unités spatiales à la configuration montante que nous imposait la topographie. Ainsi, tout en veillant à ne pas tomber dans le faux japonisme, et sans imposer pour autant au quartier un caractère occidental qui serait contraire à sa nature, nous nous sommes efforcés d’unir dans un même espace architectural raison et délicatesse. Le bâtiment fait corps avec les échanges franco-japonais pour lesquels il a été conçu, et c’est cette unité qui vise à appeler l’attention en composant un paysage nouveau. Mais il y a plus : nous avons cherché à prendre en considération la temporalité du site, tout à la fois permanente et transitoire, ainsi que le génie du lieu-le parfum et la moiteur de la terre, l’ombre et la lumière, l’air et la verdure, de sorte que ce soit la grande nature sereine qui constitue le secret arrière-plan de ce haut-lieu des échanges franco-japonais.”
Discours de Kunio Kato lors de l’inauguration de la Villa Kujoyama
Construction de la Villa Kujoyama
Il fallut quelques années pour obtenir le permis de construire délivré par la Municipalité de Kyoto : c’est chose faite le 30 novembre 1990. Après une cérémonie rituelle de purification du site, les travaux purent commencer au début de l’année 1991. La Villa Kujoyama ouvre ses portes aux premiers résidents le 1er octobre 1992, un mois avant l’inauguration officielle, le 6 novembre.
Le journaliste au journal Le Monde Philippe Pons assiste à l’évènement ; il écrit :
“Le site est remarquable : construite en encorbellement, à flanc de colline, la Villa Kujoyama domine de sa terrasse la partie nord-ouest de l’ancienne capitale impériale, encore épargnée par une dévastatrice verticalité, d’où se détache la tache de verdure du palais impérial. Elle a été construite sur le terrain où, jour pour jour, fut inauguré en 1927 le premier Institut franco-japonais du Kansai, fondé un an auparavant par Paul Claudel, alors ambassadeur au Japon (…) Par sa modernité et sa différence, le Japon s’apprête à devenir l’un des creusets où des créateurs auront à se confronter aux autres comme à eux-mêmes.”
Valoriser un lieu unique
Sur près de 1 164m2, la Villa Kujoyama offre aux lauréats un cadre unique de travail, comme une page blanche offerte à la création. Par son architecture, la Villa est aussi un véritable lieu patrimonial à préserver, et à valoriser.
La Villa Kujoyama a confié à Ludivine Gragy (2021, paysagisme) la mission de repenser les espaces extérieurs de son site, avec pour objectif de faire de la Villa Kujoyama un trait d’union entre l’humain, le végétal et la montagne. L’année 2024 a vu se concrétiser les deux premières phases du projet. Des trèfles en arbres ont ainsi été plantés sur les 34 mètres de plate-bande longeant la terrasse de la Villa Kujoyama. Ces nouvelles plantations permettent de mettre en scène la vue imprenable sur Kyoto – la plus belle, de l’avis de certains ! – tout en permettant de réguler la température par temps chaud.
Dans les jardins extérieurs de la Villa Kujoyama, longeant les cours des studios des lauréats, un parcours de dalles intitulé “Semi-tachi no Komichi” (le Sentier des cigales) a été imaginé par Ludivine Gragy et le jardinier Kei Shoya. Ce chemin vient reproduire le chant des cigales dont les stridulations résonnent en été aux abords de la Villa. Grâce aux enregistrements de Krikor Kouchian (2021, musique), Ludivine Gragy a transformé les fréquences sonores de quatre espèces en lignes rythmiques. Ce sont elles qui dictent la disposition des dalles sur le sentier et les pas du promeneur, qui s’alignent sur le rythme de la nature qui l’environne.
Ludivine Gragy a également végétalisé les patios des studios, en y plantant des fougères, dans une disposition adaptée à l’ensoleillement de chaque espace.